Je comptais emmener Cricri au Grand Paradis mais à la place elle a plutôt connu l’enfer !
(Le Grand Paradis (en italien Gran Paradiso) est un sommet des Alpes italiennes occidentales situé dans la province de la Vallée d’Aoste. Son altitude est de 4 061 mètres. Il fait partie du massif du Grand-Paradis dont il est le plus haut et le seul à dépasser les 4 000 m).
Pourtant 2 jours avant, notre balade entre 3300 et 3600 m sur le versant Sud du Pic du Midi en Italie était de bon augure. Mais, nous étions montés avec le Skyway Mont Blanc à plus de 3400 m (on aurait dû y penser).
Cette fois le départ s’est fait, beaucoup plus bas, Jeudi à 14h d’un parking perdu dans la cambrousse à une dizaine de kilomètres de Valsaveranche (Italie) à une altitude de 1800m. Le but : monter au refuge Chabod à 2700 m, soit 900 m de positif (sans aucune descente). Chemin relativement praticable mais le soleil a toujours été au-dessus de notre tête avec ses 30°C. Cricri semble à la peine et se plaint du sac. Au bout d’une heure, on stoppe et réorganise nos sacs. Je prends dans le mien tout le matériel (crampons, piolet, baudriers, mousquetons…) et Cricri conserve le plus léger (les sandwichs pour vendredi midi et les oreillers, plus ces affaires de pluie). Il existe une source sur le parcours. On vide une gourde et conserve la moitié dans l’autre. C’est encore 1,5 kg de gagné ! Mon sac vient de passer de 8 à 9 kilos pour un bon 17kg. Grâce à cela, elle repart de bon pied et maintien une bonne allure. Nous sommes arrivés au refuge à 18h.
On récupère, s’installe et le repas est prévu à 19h. Copieux, succulent… et plein de glucides lents. De la terrasse, on aperçoit le début de notre périple du lendemain. Cricri n’est pas trop rassurée et lorsque Niel nous informe que nous partirons vers 4h à la frontale, elle l’a été encore moins. Que de nouvelles sensations extrêmes en si peu de temps à enchainer. Avant d’aller se coucher, on prépare notre sac pour le Grand Départ avec l’indispensable. Le reste restera au refuge et on le récupérera à la descente.
Vendredi 3h45 debout, petit-déjeuner et un contre temps nous décale le départ à 4h50 (Niel avait perdu sa frontale). Nous avons commencé à gravir l’arête rocheuse, à travers un gigantesque pierrier, dans une obscurité totale. On a pris du retard, nous avançons lentement… à ce moment-là, j’ai compris que cela allait être compliqué pour atteindre le sommet. Sachant qu’il ne faut pas oublier toute la descente derrière (2300m) et qu’il faudra encore beaucoup de forces.
Nous arrivons au pied du glacier vers 7h. On chausse les crampons et réalise une cordée. Niel est inquiet car la neige est de mauvaise qualité et la présence de nombreuses crevasses, sans oublier que la pluie devrait arriver vers 11h et ensuite des orages. Lorsque nous arrivons dans les 3100 m, Cricri attrape mal à la tête. On fait une pause et repartons un peu mois vite. Une vingtaine de minutes après, des envies de vomir se font sentir et elle est prise d’étourdissements. Etant le dernier de cordée, je m’aperçois bien que son état se dégrade vite. Elle tombe plusieurs fois et a de plus en plus de mal à se relever. Nouvelle pause. Elle mange tranquillement une barre de céréales, boit et souffle…souffle pour reprendre le contrôle. Niel propose de refaire un essai pour atteindre une sorte de plateforme à 3500m. Cricri veut aller encore plus loin. On reprend notre marche. Elle a de plus en plus de mal à taper pour faire accrocher les crampons sur cette partie du glacier sec. Après 30mn, ceux sont des bourdonnements d’oreilles qui s’ajoutent aux symptômes déjà présents. Tous ensemble, nous prenons la décision de faire demi-tour (même si Cricri ne pouvait plus décider car le cerveau en vrac). La descente a été compliquée avec de nombreuses pauses. Il ne fallait pas s’arrêter trop longtemps car nous étions vite frigorifiés. Une pause d’une heure au refuge, lui a permis de retrouver les esprits et de récupérer musculairement avant t’entamer la longue descente à 1800m.
Atteindre le sommet aurait été génial mais cela n’était pas l’objectif final. Nous partions dans un environnement totalement inconnu (voir hostile) et c’était d’aller le plus loin possible. Cette journée-là, Cricri ne pouvait pas physiologiquement aller plus haut de 3210 m (et en réalité certainement moins car elle a franchi la ligne rouge). De mon côté, physiquement, j’avais les capacités d’aller au sommet mais peu être que le mal des montagnes m’aurait aussi rattrapé ?
En 3 jours, nous avons découvert la haute montagne, découvert la marche sur glacier sec et humide, marché en cordée, appris à décoder quelques pièges de la montagne…Un périple très riche en nouvelles sensations et partager ses moments à nous deux a été un véritable bonheur.